samedi 30 mai 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 2 : LE PRESQUE CHRETIEN

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre  LES SERMONS DE WESLEY  -1- )


Actes des Apôtres 26,28  (1741), prêché devant l'Université d'Oxford
« Il s'en faut peu que tu ne me persuades d'être chrétien ». (Actes 26 : 28)

              Ils sont nombreux, ceux qui vont jusque-là. Depuis que la religion chrétienne est dans le monde, il y a toujours eu bien des gens, en tout temps et en tout pays, qui ont été « presque persuadés d'être chrétiens ». Mais puisqu'il ne sert de rien, devant Dieu, de n'aller que jusque-là, il nous importe fort de considérer :

1° ce qu'impliquent ces mots : être presque chrétien ;
2° ce que c'est que d'être tout-à-fait chrétien.


I

           1. Être presque chrétien suppose d'abord l'honnêteté païenne. Personne, sans doute, ne contestera ceci ; d'autant que, par cette honnêteté, je n'entends pas seulement celle que recommandaient les philosophes païens dans leurs écrits, mais celle que les païens ordinaires attendaient les uns des autres, et que plusieurs d'entre eux pratiquaient. Par les règles de cette honnêteté ils apprenaient qu'il ne faut point être injuste ; qu'il ne faut, ni par brigandage, ni par larcin, ravir le bien d'autrui ; qu'il ne faut ni opprimer les pauvres, ni user d'extorsion envers personne ; qu'il ne faut frauder ou tromper en quoi que ce soit, ni les riches ni les pauvres ; qu'il ne faut frustrer personne de son droit, ni autant que possible, rien devoir à personne.
          Les païens ordinaires reconnaissaient encore, qu'il faut, en quelque mesure, respecter la vérité aussi bien que la justice. En conséquence, ils n'avaient pas seulement en abomination le parjure qui prend Dieu à témoin pour mentir, mais encore quiconque était connu pour calomnier, pour accuser faussement. Et même ils n'estimaient guère plus le menteur en général, le tenant pour la honte du genre humain et la peste de la société.
            Enfin il y avait une sorte d'amour et d'assistance qu'ils attendaient les uns des autres ; savoir, toute l'assistance que chacun peut donner sans préjudice pour lui-même. Et par là ils n'entendaient pas seulement ces petits services qui ne coûtent ni dépense ni travail, mais ils y comprenaient le devoir de nourrir ceux qui ont faim, de couvrir ceux qui sont nus, quand on a surabondance de nourriture et de vêtements, et, en général, de donner à tous ceux qui ont besoin ce dont on n'a pas besoin soi-même.
            C'est jusque-là qu'allait l'honnêteté païenne la plus commune, premier trait du caractère presque chrétien.

                2. Un second trait du caractère presque chrétien c'est d'avoir la forme de la piété, de cette piété que prescrit l'Évangile de Christ ; c'est d'avoir les dehors d'un vrai chrétien. Celui qui est presque chrétien ne fait donc rien de ce que l'Évangile condamne ; il ne prend pas le nom de Dieu en vain ; il bénit au lieu de maudire ; « il ne jure point du tout, mais sa parole est oui — oui, non — non ». Il ne profane le jour du Seigneur ni ne souffre qu'il soit profané, même par qui est dans ses portes ». Il évite, non seulement tout adultère, toute fornication, toute impureté dans ses actes, mais toute parole, tout regard qui pourrait y tendre directement ou indirectement ; il évite toute parole inutile, s'abstenant non seulement de détraction, de médisance, de rapports, de mauvais discours, mais encore « de paroles folles et de plaisanteries », - sorte d'amabilité dont le moraliste païen faisait une vertu, — en un mot de toute conversation qui ne peut servir à l'édification et qui, par cela même, «contriste le saint Esprit de Dieu par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption ». Il s'abstient « du vin où il y a de la dissolution », des orgies et de la gourmandise. Il évite, de tout son pouvoir, les débats et les contestations, faisant toujours ses efforts pour vivre en paix avec tous les hommes. Et si on lui fait tort, il ne se venge point, ni ne rend le mal pour le mal.
             Il n'est ni médisant, ni criailleur et ne se moque ni des défauts ni des infirmités d'autrui. Il n'offense, il n'afflige volontairement personne, mais, en toutes choses, il agit et parle d'après cette simple règle : Ne faites point à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait.
               Et, en faisant du bien, il ne se borne pas à des actes de bonté au rabais et faciles à accomplir, mais il travaille et souffre pour le profit de plusieurs, afin qu'il puisse au moins servir à quelques-uns.
              Nonobstant la fatigue ou la peine, « il fait selon son pouvoir, tout ce qu'il a occasion de faire » et cela pour amis et pour ennemis, pour les méchants comme pour les bons ; car n'étant pas « paresseux à s'employer pour autrui », il fait, suivant l'occasion, du bien, toute sorte de bien à tous, et à leurs âmes comme à leurs corps. Il reprend les méchants, instruit les ignorants, affermit ceux qui chancellent, stimule les bons et console les affligés. Il travaille à réveiller ceux qui dorment et à conduire ceux que Dieu a réveillés à « la source ouverte pour le péché et la souillure », afin qu'ils s'y lavent et qu'ils soient nettoyés, — et, ceux qui sont sauvés par la foi, il les encourage à honorer l'Évangile de Christ en toutes choses.
           Celui qui a la forme de la piété met aussi à profit, en toute occasion, tous les moyens de grâce. Il fréquente assidûment la maison de Dieu, et, en cela, il ne fait point comme quelques-uns qui viennent, en la présence du Très-Haut, chargés d'or et d'habits précieux, ou tout au moins du costume le plus vain, et qui, par leurs salutations hors de saison ou par la gaieté impertinente de leur maintien, montrent qu'ils ne prétendent pas plus à la forme qu'à la force de la piété. Plût à Dieu qu'il n'y en eût pas, même parmi nous, qui tombent sous la même condamnation, qui viennent dans cette maison, peut-être, les regards distraits, ou avec tous les signes de la plus inattentive et la plus insouciante indifférence, bien qu'ils aient l'air parfois de demander à Dieu qu'il bénisse leur dévotion ; qui donnent pendant le service solennel ou se tiennent dans la posture la plus convenable au sommeil ; qui causent entre eux ou regardent ça et là, inoccupés, comme s'ils supposaient que Dieu dort. Ah ! pour celui-là ne leur reprochez pas la forme de la piété ! Non ! celui qui l'a, cette forme, se comporte avec sérieux, avec attention, pendant tout ce saint service ; surtout, quand il s'approche de la table du Seigneur, ce n'est pas d'un air léger et insouciant, omis son air, ses gestes, toute sa manière d'être n'expriment que ce cri : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ! »
            A cela, si nous ajoutons la pratique constante du culte domestique par ceux qui sont chefs de famille ; la mise à part de certains moments pour la prière secrète, enfin le sérieux dans la conduite journalière ; —cette régularité dans la pratique de la religion extérieure constitue pour celui qui s'y livre la forme de la piété. Pour être presque chrétien, il n'a plus besoin que d'une chose, et c'est la sincérité.

        3. Par sincérité j'entends un principe réel, intime de religion, duquel découlent les actes extérieurs. Et, vraiment, si ce principe nous manque, nous n'avons pas même l'honnêteté païenne, pas même assez pour répondre aux exigences d'un poète païen et épicurien. Car, dans ses bons moments ce pauvre malheureux pouvait rendre témoignage que : Les bons fuient le mal par amour du bien, Mais les méchants par crainte du châtiment.
(Oderunt peccare boni, virtutis amore, Oderunt peccare mali formidius poenae.)
       Et si un homme ne s'abstient de mal faire que pour éviter le châtiment : « Tu échapperas aux corbeaux », (Non pasces in cruce corvos.) lui dit ironiquement le païen (voici « tu as ta récompense ! » ) Mais il refuse, lui aussi, de tenir pour vertu païenne ce genre d'innocence. Si c'est donc par un motif semblable, — pour éviter des châtiments, ou la perte de ses amis, de ses gains, de sa réputation etc., qu'un homme s'abstient du mal, qu'il accomplit même toute sorte de bien et qu'il fait usage de tous les moyens de grâce, nous ne pouvons dire, avec quelque vérité, que cet homme soit presque chrétien. S'il n'a pas de meilleur mobile dans le coeur, il n'est tout bonnement qu'un hypocrite.
             Il faut donc, pour être presque chrétien, être sincère : avoir un dessein réel de servir Dieu, un désir cordial de faire sa volonté. L'homme presque chrétien se propose sincèrement de plaire à Dieu en toutes choses, dans toute sa conduite, dans toutes ses actions, dans tout ce qu'il fait et dans tout ce qu'il s'abstient de faire. Ce dessein règle l'ensemble de sa vie. Et c'est le mobile qui le dirige, soit qu'il fasse le bien ou qu'il s'abstienne du mal, ou qu'il use des moyens de grâce ordonnés de Dieu.
            Mais ici on dira sans doute : Peut-il y avoir au monde un homme qui en vienne à ce point et qui ne soit encore que presque chrétien ? Que faut-il donc de plus pour être tout-à-fait chrétien ? 
            — A la première question, je réponds : Oui, il est possible d'aller jusque-là tout en n'étant que presque chrétien, et c'est ce que j'apprends, non seulement des oracles de Dieu, mais encore du sûr témoignage de l'expérience.
          Frères, je puis vous parler en ceci avec grande assurance. Et « pardonnez-moi ce tort » si je déclare ma propre folie sur le toit des maisons pour l'amour de vous et de l’Évangile ; souffrez donc, que je parle librement de moi-même comme s'il s'agissait d'un autre. Je consens à être abaissé pour que vous soyez élevés, et même à, être encore plus avili pour la gloire de mon Seigneur.
            J'ai vécu plusieurs années allant jusque-là, comme plusieurs ici présents peuvent en rendre témoignage mettant tous mes soins à éviter le mal et à garder ma conscience pure de toute offense ; rachetant le temps, saisissant toute occasion de faire à tous les hommes toute sorte de bien ; profitant avec soin et assiduité de tous les moyens de grâce publics et privés, cherchant à me conduire, en tout temps et en tout lieu, d'une manière réglée et sérieuse, et faisant tout cela (Dieu devant qui je suis m'en est témoin !) en sincérité ; ayant l'intention sincère de servir Dieu, le désir vrai de faire sa volonté en toutes choses, de plaire à Celui qui m'avait appelé à « combattre le bon combat et à remporter la vie éternelle ». Néanmoins, ma propre conscience m'en rend témoignage par le Saint-Esprit, — je n'étais pendant tout ce temps que presque chrétien.
        --- A la seconde question : Que faut-il de plus pour être tout-à-fait chrétien ? Je réponds :


II

Pour être tout-à-fait chrétien, il faut :

          1° l'amour de Dieu. Car ainsi dit sa Parole : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toutes tes forces. « Cet amour est un amour qui prend pour lui tout le coeur, qui s'empare de toutes les affections, qui remplit toute la capacité de l'âme et qui en emploie toutes les facultés dans toute leur étendue.
         Si quelqu'un aime ainsi le Seigneur son Dieu, « son esprit se réjouit continuellement en Dieu, son Sauveur ». Ses délices sont dans le Seigneur, son Seigneur, son Tout, à qui il rend grâces pour toutes choses. « C'est vers son nom et vers son souvenir que tend le désir de son âme ». Son coeur ne cesse de s'écrier : « Quel autre que toi ai-je au ciel ? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Que désirerait-il, en effet, hors de Dieu ? Le monde, ou les choses du monde ? Mais il est « crucifié au monde et le monde lui est crucifié ». Il est crucifié à «la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux et à l'orgueil de la vie ». Oui, il est mort à toute espèce d'orgueil. Car « l'amour ne s'enfle point » ; mais celui qui, demeurant dans l'amour, « demeure en Dieu et Dieu en lui », est moins que rien à ses propres yeux.

          2° Pour être tout-à-fait chrétien, il faut l'amour du prochain, car Notre Seigneur dit encore dans le même texte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si quelqu'un dit: mais qui est mon prochain ? je lui répondrai : Tout habitant du monde, tout enfant de celui qui est « le Père des esprits, de toute chair ». Il n'y a pas même d'exception à faire pour nos ennemis, pas même pour les ennemis de Dieu et de leurs propres âmes. Mais, ceux-là aussi, tout chrétien les aime comme lui-même et « comme Christ nous a aimés ». Si quelqu'un veut en savoir davantage sur cet amour, qu'il considère la description qu'en fait saint Paul « La charité est patiente et pleine de bonté. Elle n'est point envieuse. Elle n'est point insolente. Elle ne s'enfle point d'orgueil » ; mais elle fait de celui qui aime l'humble serviteur de tous. « La charité n'est point malhonnête », loin de là, celui qui aime se fait «tout à tous ». « Elle ne cherche point son intérêt », mais seulement le bien des autres afin qu'ils soient sauvés. « La charité ne s'aigrit point ». Elle exclut la colère ; car celui qui a de la colère manque d'amour. « Elle ne soupçonne point le mal. Elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité. Elle excuse tout ; elle croit tout ; elle espère tout ; elle supporte tout ».

                3° Pour être tout-à-fait chrétien, il faut une troisième chose qu'on peut considérer à part quoiqu'en réalité elle soit inséparable des précédentes, et c'est le fondement de tout, c'est la foi. Et que de merveilles sont dites d'elles dans tous les oracles de Dieu ! Quiconque croit, dit le disciple bien-aimé, est né de Dieu. « A tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné le droit d'être faits enfants de Dieu ; savoir, à ceux qui croient en son nom ». - « La victoire par laquelle le monde est vaincu, c'est notre foi ». Notre Seigneur lui-même le déclare : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle et il ne viendra point en condamnation, mais il est passé de  la mort à la vie ».
             Mais ici que personne ne s'abuse. « Il faut bien le remarquer : la foi qui ne produit point la repentance, l'amour et toute bonne oeuvre, loin d'être cette foi véritable et vivante, n'est qu'une foi morte et diabolique. Car les démons croient eux-mêmes que Christ naquit d'une vierge, qu'il fit toutes sortes de miracles, se déclarant véritablement Dieu ; que pour l'amour de nous il souffrit la mort la plus cruelle, afin de nous racheter de l'éternelle mort ; qu'il ressuscita le troisième jour,qu'il monta aux cieux, qu'il s'assit à la droite du Père et qu'il en reviendra, à la fin du monde, pour juger les' vivants et les morts. Les démons croient ces articles de notre foi ; ils croient, de même tout ce qui est écrit dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament. Et pourtant avec toute cette foi, ils ne sont toujours que des démons. Faute d'avoir la vraie foi chrétienne, ils demeurent dans leur état condamnable ! »
           « La véritable foi chrétienne (pour employer encore les paroles de l'Église anglicane - Homélie sur le salut de l'homme), ce n'est pas seulement d'admettre l'Écriture et nos articles de foi, mais c'est avoir la ferme assurance d'être sauvé par Christ de l'éternelle damnation. C'est la ferme confiance qu'un homme a en Dieu, que, par les mérites de Christ, ses péchés lui sont pardonnés et qu'il a retrouvé la faveur de Dieu. De cette foi naît un coeur plein d'amour pour obéir à ses commandements ».
           Quiconque donc a cette foi qui (par la vertu de Dieu demeurant en nous) purifie le coeur d'orgueil, de colère, de convoitises, de toute injustice, de toute souillure de la chair et de l'esprit ; qui le remplit, pour Dieu et pour tous les hommes d'un amour plus fort que la mort, d'un amour qui fait les oeuvres de Dieu, qui se glorifie de se sacrifier et d'être sacrifié pour tous les hommes, et qui endure avec joie, non seulement l'opprobre de Christ, la moquerie, le mépris et la haine des hommes, mais tout ce que la sagesse de Dieu peut permettre à la malice du monde ou de l'enfer de lui infliger : qui a cette foi ainsi agissante par l'amour, est véritablement et entièrement chrétien et non pas seulement presque chrétien.
           Mais où sont les témoins vivants de ces choses ? — Frères, je vous en conjure, comme en la présence de ce Dieu devant qui « le sépulcre et le gouffre sont à découvert, combien plus les cœurs des enfants des hommes » ; que chacun de vous se demande à lui-même : Suis-je de ce nombre ? Vais-je aussi loin dans la pratique de la justice, de la miséricorde, de la vérité, que l'exigeait déjà l'honnêteté païenne ? Et s'il en est ainsi, ai-je les dehors d'un chrétien, la forme de la piété ?
          M’abstiens-je du mal, de tout ce que condamnent les Écritures de Dieu ? Fais-je selon mon pouvoir tout ce que j'ai l'occasion de faire ? Profité-je, en tout temps, avec sérieux, de tous les moyens de grâce ? Et fais-je tout cela, avec l'intention, le désir sincère de plaire à Dieu en toute chose ?
       N'êtes-vous pas convaincus, plusieurs d'entre vous, que vous n'êtes jamais allés jusque-là ; que vous n'êtes pas même presque chrétien ; que vous n'avez point atteint même la règle de l'honnêteté païenne, ou du moins la forme de la piété chrétienne ? Bien moins encore êtes-vous sincères devant Dieu et désireux de lui plaire en toutes choses. Jamais vous n'allâtes jusqu'à vouloir consacrer toutes vos paroles, vos oeuvres, votre activité, vos études, vos plaisirs, à sa gloire. Vous n'eûtes même jamais la volonté ou le désir que tout ce que vous faites, étant fait au nom du Seigneur Jésus, fût un sacrifice spirituel  agréable à Dieu par Christ.
           Mais, à supposer que vous ayez ces intentions ; les bonnes intentions et les bons désirs font-ils le chrétien ? Non, sans doute, à moins qu'ils ne soient mis à effet. L'enfer, a dit quelqu'un, est pavé de bonnes intentions. Ainsi donc la question des questions demeure: L'amour de Dieu est-il répandu dans votre coeur ? Pouvez-vous lui dire : Mon Dieu et mon Tout ? Ne désirez-vous sur la terre que Lui ? Êtes-vous heureux en Dieu ? Est-il votre gloire, vos délices, votre couronne ? Et ayant gravé dans votre coeur ce commandement : « Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère », aimez-vous votre prochain comme vous-même ? Aimez-vous tous les hommes, même vos ennemis, même les ennemis de Dieu, comme votre propre âme, comme Christ vous a aimés ? Mais crois-tu que Christ t'a aimé et qu'il s'est donné pour toi ? As-tu la foi en son sang ? Crois-tu que l'Agneau de Dieu a ôté tes péchés et les a jetés, comme une pierre, au fond de la mer ? qu'il a effacé l'obligation qui était contre toi et qu'il l'a annulée, la clouant à sa croix ? As-tu réellement la rédemption par son sang, la rémission de tes péchés ? Et son Esprit rend-il témoignage avec. ton esprit que tu es enfant de Dieu ?
             Or, Dieu le sait, Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ qui est en cet instant au milieu de nous, — si quelqu'un meurt sans cette foi et sans cet amour, il eût mieux valu pour lui de n'être jamais né.
             Réveille-toi donc, toi qui dors, et invoque ton Dieu ! Cherche-le au temps qu'on le trouve. Ne le laisse point aller qu'il n'ait fait « passer devant toi toute sa bonté » et qu'il n'ait « crié devant toi le nom de l'Éternel l’Éternel, le Dieu fort, pitoyable, miséricordieux, tardif à colère, abondant en miséricorde et en vérité, gardant en mille générations sa miséricorde, ôtant l'iniquité, le crime et le péché ». Que personne ne te persuade, par de vains discours, de manquer ce prix de ta vocation céleste. Mais crie jour et nuit à Celui qui, « lorsque nous étions sans aucune force », mourut pour des impies, jusqu'à ce que, sachant en qui tu as cru, tu puisses lui dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » aie soin de toujours prier, sans te lasser, jusqu'à ce que tu puisses, toi aussi, lever la main au ciel et dire à Celui qui vit aux siècles des siècles : « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime !»
            Puissions-nous tous apprendre ainsi, par expérience, ce que c'est que d'être, non seulement presque mais tout-à-fait chrétien ! Étant justifiés gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus, puissions-nous savoir que nous avons la paix avec Dieu par Jésus-Christ, et nous réjouir dans l'espérance de la gloire de Dieu, parce que l'amour de Dieu sera répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit !


jeudi 28 mai 2015

LES SERMONS DE WESLEY Sermon 1 : LE SALUT PAR LA FOI

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(tiré du livre 
 LES SERMONS DE WESLEY  -1- )

PRÉSENTATION

John Wesley (1703-1791)

             Prédicateur infatigable. Il parcourt plus de 360 000 km, la plupart du temps à cheval, et prononce plus de 40 000 sermons. Ces cinquante-trois sermons de Wesley, forment, avec ses Notes sur le Nouveau-Testament, la base doctrinale des Eglise méthodistes.
                 Nous nous sommes efforcés de reproduire aussi fidèlement que possible le texte original, sans nous permettre jamais de retoucher ou d'abréger notre auteur. Wesley est assez grand pour que ses traducteurs respectent absolument son texte, même lorsqu'ils pourraient penser autrement que lui sur certains points secondaires. Si nous en jugeons par l'édification que nous avons puisée dans ces discours en les préparant pour l'édition, il nous est permis d'espérer que ceux qui les liront y apprendront, non seulement à vénérer la mémoire du grand serviteur de Dieu qui les a écrits, et à mieux comprendre la puissance du réveil religieux dont il a été l'instrument, mais aussi à chercher à faire revivre en eux et à propager autour d'eux, ce christianisme biblique qui sauva l'Angletrre au dix-huitième siècle et qui pourrait être le moyen de la régénération de la France, à cette fin du dix-neuvième siècle.

PRINCIPAUX OUVRAGES UTILISÉS

LE SERMON SUR LA MONTAGNE expliqué dans une série de discours par Jean Wesley Librairie Évangélique 49 rue d’Amsterdam Paris 1857
SERMONS CHOISIS Sermons Choisis de Wesley Publications Méthodistes 5 rue du Champ de Mars Bruxelles 1858
LA VOIE DU SALUT Sermons par Wesley Librairie Évangélique 49 rue d’Amsterdam Paris 1858
SERMONS par Jean Wesley Traduction nouvelle. Tome 2 Librairie Évangélique 4 rue de Roquépine Paris 1888

Editions numérique © Yves PETRAKIAN Juillet 2003 Tous droits réservés.
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PRÉFACE DE JOHN WESLEY

Préface de Wesley, publiée sans changement dans chaque édition de ses sermons entre 1746 et 1787.

                       Les sermons qui suivent contiennent la substance de ce que j'ai prêché, ces huit ou neuf dernières années. Pendant cette période, j'ai fréquemment parlé en public sur les divers sujets traités dans ce recueil, et je ne sache pas qu'il y ait un seul des points de doctrine, abordés habituellement par moi en public, qui ne soit ici exposé au lecteur chrétien, incidemment, sinon toujours à fond. Tout homme sérieux qui parcourra ces pages, verra donc, avec une entière clarté, quelles sont les doctrines que je professe et que j'enseigne comme les bases essentielles de la vraie religion.
                        Mais je sens vivement que l'exposition que j'offre ici de ces doctrines est loin d'être ce que certaines personnes pourraient attendre. Je ne les ai pas revêtues d'une forme élaborée, élégante ou oratoire. Eusse-je eu le désir ou le dessein de le faire, que je n'en aurais pas eu le loisir. Mais à la vérité ce dessein est, pour le moment, fort éloigné de ma pensée ; j'écris maintenant, et je parle habituellement, ad populum aux masses, à ceux qui n'ont aucun goût pour la rhétorique, et qui ne la comprendraient même pas, mais qui n'en sont pas moins compétents pour juger des vérités qui leur apportent le bonheur présent et à venir. Je dis ceci pour éviter aux lecteurs curieux la peine de C'est aux gens simples que j'essaie de dire la vérité toute simple.
             Je m'abstiens donc, de propos délibéré, de toute délicate spéculation philosophique, de toute argumentation compliquée et embrouillée, et, autant que possible, de tout appareil d'érudition, sauf quelquefois en citant le texte original de l'Ecriture. Je m'efforce d'écarter tous les mots qui ne sont pas faciles à entendre, tous ceux qui ne sont pas d'usage commun, et en particulier ces termes techniques que l'on rencontre si fréquemment dans les traités de théologie, ces modes de parler si familiers aux hommes de science, mais qui font l'effet d'une langue inconnue aux gens du commun peuple. Je ne suis pourtant pas sûr de m'en être toujours préservé moi-même, tant il est naturel d'imaginer qu'un mot qui nous est familier doit l'être à tout le monde.
                      En fait, mon dessein est, en quelque sorte, d'oublier tout ce que j'ai lu dans ma vie, ou du moins de parler comme si je n'avais jamais lu un seul auteur, ancien ou moderne, à l'exception des auteurs inspirés. Je suis persuadé que, d'une part, en laissant simplement mes propres pensées se dérouler, sans m'embarrasser de celles des autres hommes, je pourrai plus clairement exprimer les sentiments de mon coeur ; et, d'autre part, j'aborderai avec un esprit plus libre de préjugés et de préventions les vérités toutes nues de l'Evangile soit pour mon propre usage, soit pour les présenter à autrui.
                       Je ne crains pas d'ouvrir ici mon coeur, dans ses plus secrètes pensées, aux hommes de raison et de conscience. J'ai compris que je suis une créature d'un jour, traversant la vie comme la flèche fend l'air. Je suis un esprit venu de Dieu, et qui retourne à Dieu, planant sur le vaste abîme, jusqu'à ce que, dans quelques moments, je disparaisse et je tombe dans l'immuable éternité ! J'ai besoin de connaître une chose, le chemin qui mène au ciel, et le moyen de débarquer heureusement sur cette plage bénie. Dieu lui-même a daigné nous enseigner ce chemin ; il est descendu du ciel pour cela ; il a écrit dans un livre ce qui en est. Oh ! donnez-moi ce livre ! A tout prix, donnez-moi le livre de Dieu ! Je le possède ; dans ses pages est contenue la science qui me suffit. Que je sois homo unius libri (l'homme d'un seul livre.) ! Ici je suis éloigné des routes bruyantes où passent les hommes. Je m'assieds seul, en la présence de Dieu. Devant lui, j'ouvre et je lis son livre, en vue d'y trouver le chemin du ciel. Ai-je quelque doute sur le sens de ce que je lis ? Quelque chose me paraît-il obscur ou compliqué ? J'élève mon coeur vers le Père des lumières : « Seigneur, n'as-tu pas dit : Si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu ? » Tu la donnes libéralement et sans reproches. Tu as dit : « Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra ». Je veux la faire, fais-la moi connaître ». Je me mets alors à chercher et à examiner les passages parallèles de l'Ecriture « comparant les choses spirituelles aux spirituelles ». J'y médite avec toute l'attention et toute l'intensité dont mon esprit est capable. Si quelque doute persiste, je consulte ceux qui sont expérimentés dans les choses de Dieu, et les écrits, dans lesquels, quoique morts, ils parlent encore. Et ce que j'ai appris je l'enseigne.
                         J'ai conséquemment mis, dans les sermons qui suivent, ce que j'ai trouvé dans la Bible concernant le chemin du ciel, dans le dessein de distinguer ce chemin de Dieu de ceux que les hommes ont inventés. J'ai essayé de décrire la religion véritable, scripturaire, expérimentale, de façon à ne rien omettre de ce qui en fait réellement partie, et aussi à ne rien y ajouter. Je désire spécialement par là, d'abord, éloigner du formalisme, qui a presque banni de ce monde la vraie religion, ceux qui se sont mis en route pour le royaume des cieux, mais qui, ayant peu d'expérience des choses de Dieu, risquent plus aisément de se laisser détourner ; je veux, en second lieu, mettre sur leurs gardes ceux qui connaissent la religion du coeur et la foi agissante par la charité, de peur qu'il ne leur arrive un jour d'annuler la loi par la foi et de tomber dans les pièges du diable.
D'après le conseil de quelques-uns de mes amis, j'ai introduit dans ce recueil trois sermons de moi-même et un de mon frère (Il s'agit des sermons sur le Salut par la foi, Presque chrétien et le Christianisme scripturaire, qui forment les trois premiers du recueil la Voie du Salut, et du sermon Réveille toi, toi qui dors, qui est en tête du présent recueil.), prêchés devant l'Université d'Oxford
                        Mon plan exigeait des discours sur ces sujets, et j'ai donné la préférence à ceux-ci sur d'autres composés plus récemment, parce qu'ils répondent victorieusement à l'accusation qui nous a été fréquemment lancée, d'avoir changé de doctrine et de ne plus prêcher ce que nous prêchions autrefois. Tout homme réfléchi pourra se rendre compte de ce qui en est, en comparant ces sermons anciens aux antres plus récents.
Plusieurs penseront peut-être que, moi qui veux enseigner les autres j'ai dévié du droit chemin. Cela est très possible, mais j'ai la confiance que, si je me trompe, mon esprit est ouvert à la conviction, et que je désire sincèrement être redressé. Je dis à Dieu et à l'homme : « Enseigne-moi ce que je ne sais pas ». Êtes-vous persuadé que vous y voyez plus clair que moi ? Il se peut que vous ayez raison. Traitez-moi donc comme vous voudriez être traité vous-mêmes, si nous étions vous à ma place et moi à la vôtre.
                       Montrez-moi une meilleure voie que celle que j'ai suivie, mais montrez-la moi par la seule autorité de l'Ecriture. Et si je m'attarde dans la voie où j'ai accoutumé, de marcher, et si j'ai de la peine à la quitter, marchez à mon côté, prenez-moi par la main et conduisez-vous avec moi avec un peu de bienveillance. Ne vous étonnez pas si je vous prie de ne pas me malmener pour m'obliger à hâter le pas ; je risquerais alors de ne plus avancer du tout, moi qui, en faisant de mon mieux, n'avance que lentement et faiblement. Ne puis-je pas vous demander aussi de ne pas m'injurier pour me ramener au bon chemin ? A supposer que je fusse en plein dans l'erreur, je doute que ce fût le moyen de me ramener. Cela me ferait plutôt m'éloigner de vous et de la vérité, si vous l'avez.
                      Et puis, si vous vous fâchez, je pourrais me fâcher aussi, et ce ne serait pas là le moyen de trouver la vérité. Si une fois la colère s'en mêle, (comme dit quelque, part Homère), cette fumée troublera si bien les yeux de nos âmes que je ne verrai plus rien distinctement. Pour l'amour de Dieu, s'il est possible, évitons de nous provoquer à l'irritation. N'allumons pas ce feu de l'enfer les uns chez les autres, et, s'il est allumé, ne l'excitons pas. Quand même, à la lueur sinistre de ce feu, nous pourrions discerner la vérité, n'y aurait-il pas plus à perdre qu'à gagner ? Car combien est préférable l'amour, même mêlé à des opinions fausses, à la vérité elle-même sans l'amour ! Nous pouvons mourir en ignorant bien des vérités, et être néanmoins portés dans le sein d'Abraham Mais si nous mourons sans amour, à quoi nous servira la connaissance ? Elle nous sera aussi peu utile qu'elle l'est au diable et à ses anges !
                    Que le Dieu d'amour nous préserve d'en faire jamais l'épreuve ! Qu'il nous prépare pour la connaissance de toute vérité, en remplissant nos cœurs de tout son amour, et de toute joie et paix en croyant !


Sermon 1 : LE SALUT PAR LA FOI

Ephésiens 2,8 (1738, prêché devant l'Université (d'Oxford)

« Vous êtes sauvés par grâce par la foi ». (Ephésiens 2 : 8)

         Toutes les bénédictions que Dieu a répandues sur l'homme viennent de sa pure grâce, de sa bonté ou de sa faveur ; faveur libre, non méritée, complètement gratuite ; l'homme n'ayant aucun droit au plus petit des bienfaits du Seigneur. Ce fut la grâce gratuite qui forma « l'homme de la poudre de la terre et souffla en lui une âme vivante » ; ce fut elle qui grava sur cette âme l'image de Dieu et « mit toutes choses sous ses pieds ». La même libre grâce nous continue aujourd'hui la vie, la respiration et toutes choses ; car quoi que ce soit que nous soyons, que nous ayons ou que nous fassions, rien en nous ne peut mériter la plus petite faveur des mains de Dieu. C'est toi, ô Dieu ! qui as fait toutes nos oeuvres en nous. Elles sont donc autant de preuves de plus d'une miséricorde, et toute justice qui peut se trouver en l'homme est aussi un don de Dieu.
             Par quel moyen l'homme pécheur expiera-t-il donc le moindre de ses péchés ? Par ses oeuvres ? Non : fussent-elles aussi nombreuses et aussi saintes que possible, elles ne sont pas à lui, elles sont à Dieu, mais en réalité elles sont toutes impures et pleines de péché, de sorte que chacune d'elles a besoin d'une nouvelle expiation. Il ne croît que des fruits mauvais sur un mauvais arbre ; or son coeur est entièrement corrompu et abominable, puisqu'il est «privé de la gloire de Dieu», de cette glorieuse justice gravée au commencement sur son âme, d'après l'image de son auguste Créateur. N'ayant ainsi rien à faire valoir, ni justice ni oeuvres, sa bouche est fermée devant Dieu.
            Si donc les hommes pêcheurs trouvent grâce auprès de Dieu, il y a là de la part du Seigneur grâce sur grâce ; s'il consent encore à répandre sur nous de nouvelles bénédictions, même la plus grande des bénédictions, le salut, que pouvons-nous dire à cela, sinon : « Grâces soient rendues à Dieu de son don ineffable ? » Oui, il en est ainsi : « Dieu fait éclater son amour envers nous, en ce que, lorsque nous n'étions que pécheurs, Christ est mort pour nous sauver ». « Vous êtes sauvés par grâce par la foi ». La grâce est la source du salut, la foi en est la condition.
           Maintenant, afin que nous ne soyons point privés de la grâce de Dieu, il nous importe d'examiner avec soin, premièrement : quelle est la foi par laquelle nous sommes sauvés ; secondement : quel est le salut obtenu par la foi ; troisièmement : de quelle manière nous pouvons répondre à quelques objections qu'on présente contre la doctrine du salut par la foi. 

I

              Quelle est la foi par laquelle nous sommes sauvés ? C'est la première question que nous allons examiner. Et d'abord, ce n'est pas simplement la foi du païen. Dieu exige d'un païen qu'il croie que Dieu « est, qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent » soigneusement, et qu'il veut qu'on le cherche en le glorifiant comme Dieu, en lui rendant grâces pour toutes choses, et en pratiquant assidûment la vertu morale, la justice, la miséricorde et la vérité envers le prochain. Le Grec, le Romain, le Scythe même et l'Indien étaient sans excuse s'ils ne croyaient pas tout cela ; savoir, l'existence et les attributs de Dieu, un état futur de récompenses et de punitions et la nature obligatoire de la vertu. Croire ces choses, c'est avoir la foi du païen seulement.
            En second lieu, ce n'est pas la foi du démon, quoique celle-ci aille beaucoup plus loin que la foi du païen, car le diable croit non seulement qu'il y a un Dieu sage et puissant, bon pour récompenser, et juste pour punir ; mais il croit aussi que Jésus est le Fils de Dieu, le Christ, le Sauveur du monde.
              C'est ce qu'il déclare dans ces paroles expresses : « Je sais qui tu es ; tu es le saint de Dieu » (Luc 4 : 34). Et nous ne pouvons douter que cet esprit malheureux ne croie à toutes les paroles sorties de la bouche du Saint, et même à tout ce qui a été écrit par les hommes inspirés, à deux desquels il a été forcé de rendre ce glorieux témoignage : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu très-haut, et ils vous annoncent la voie du salut ». Le grand ennemi de Dieu et de l'homme croit donc, et tremble en croyant que Dieu a été manifesté en chair, qu'il mettra « tous ses ennemis sous ses pieds », et que « toute l'Ecriture est divinement inspirée » ; sa foi va jusque-là.
            La foi, en troisième lieu, par laquelle nous sommes sauvés, dans le sens qui sera expliqué plus loin, n'est pas cette foi qu'avaient les apôtres eux-mêmes tandis que Christ était sur la terre, quoiqu'ils crussent assez fermement en lui pour « tout quitter et le suivre » ; quoiqu'ils eussent alors le pouvoir d'opérer des miracles, de « guérir toutes sortes de maladies et toutes sortes d'infirmités » ; bien qu'ils eussent même « puissance, et autorité sur tous les démons », et, ce qui est plus encore, qu'ils fussent envoyés par leur Maître pour prêcher le royaume de Dieu.
            Quelle est donc la foi par laquelle nous sommes sauvés ? On peut répondre d'abord, en général, c'est la foi en Christ ; Christ, et Dieu par Christ en sont les objets. Ce caractère la distingue assez de la foi des païens anciens ou modernes. Et ce qui la distingue parfaitement de la foi des démons, c'est qu'elle n'est pas une simple croyance rationnelle, spéculative, un assentiment à la vérité, froid et sans vie, une série d'idées dans la tête ; mais aussi une disposition du coeur. Car ainsi parle L'Ecriture : « On croit du coeur pour obtenir la justice » ; et encore : « Si tu confesses le Seigneur Jésus de ta bouche, et que tu croies dans ton coeur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras  sauvé  » .
           Et cette foi est différente de celle qu'avaient les apôtres eux mêmes tandis que Notre-Seigneur était sur la terre, en ce qu'elle reconnaît la nécessité et la vertu propitiatoire de la mort de Jésus ainsi que l'efficace de sa résurrection. Elle reconnaît sa mort comme l'unique moyen suffisant pour racheter l'homme de la mort éternelle, et sa résurrection comme notre restauration à la vie et à l'immortalité, puisqu'il « a été livré pour nos offenses et qu'il est ressuscité pour notre justification ». la foi chrétienne, donc, n'est pas seulement un assentiment donné à tout l’Évangile de Christ c'est aussi une pleine confiance dans le sang de Christ, un repos de l'âme sur les mérites de sa vie, de sa mort et de sa résurrection ; un recours à lui comme étant notre sacrifice expiatoire et notre vie, comme s'étant donné pour nous et comme virant en nous, et partant, c'est recevoir Christ, s'appuyer sur lui, s'unir et s'attacher à lui comme à notre « sagesse, justice, sanctification et rédemption », en un mot, comme à notre salut.

II

             Quel est ce salut obtenu par la foi ? C'est le second point à expliquer. Et, avant tout, quoi que ce soit qu'implique d'ailleurs ce salut, c'est un salut présent, c'est quelque chose que l'on peut obtenir, bien plus, que possèdent actuellement sur la terre ceux qui ont la foi dont nous venons de parler.
             L'apôtre dit aux fidèles d’Éphèse (et en le leur disant, il le dit aux fidèles de tous les âges) : « Vous êtes sauvés par la foi », et non, vous serez sauvés, quoique cela aussi soit vrai. Vous êtes sauvés, pour tout dire en un mot, du péché. Voilà la délivrance qui s'obtient par la foi ; c'est ce grand salut annoncé par l'ange avant que Dieu fit venir son premier-né dans le monde : « Tu lui donneras, dit-il, le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés ». Il n'y a aucune limite ou restriction à ce salut, ni ici ni ailleurs,  dans l'Ecriture sainte. Il sauvera son peuple, ou, comme il est dit dans un autre endroit : «Tous ceux qui croient eu lui », de tous leurs péchés, de leur péché originel et actuel, passé et présent ; des péchés « de la chair et de l'esprit ». Par la foi en Jésus, ils sont délivrés et de la culpabilité et de la puissance du péché.
        Vous êtes sauvés, d'abord, de la culpabilité de tout péché passé. Car, d'un côté, puisque tout le monde est coupable devant Dieu et qui, s'il voulait prendre garde aux iniquités, nul homme ne subsisterait ; puisque la loi ne donne que la connaissance et nullement la délivrance du péché, de sorte que « personne ne sera, justifié devant Dieu par les oeuvres de la loi » ; de l'autre côté, « la justice de Dieu qui est par la foi en Jésus-Christ a été manifestée en tous ceux qui croient », et ils sont maintenant « justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, que Dieu avait destiné, pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang, afin de faire paraître sa justice par le pardon des péchés commis auparavant ». Christ a enlevé « la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous. — Il a effacé l'obligation qui était contre nous, et il l'a entièrement annulée en l'attachant à la croix. — Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui » croient « en Jésus-Christ ».
             Et étant délivrés de la culpabilité, ils le sont aussi de la crainte ; non de la crainte filiale d'offenser Dieu, mais de toute crainte servile, et qui cause de la peine ; de la crainte de la punition méritée, de la colère de Dieu, qu'ils ne considèrent plus comme un maître sévère, mais comme un père indulgent. Ils n'ont point « reçu un esprit de servitude, mais l'esprit d'adoption, par lequel ils crient : Abba c'est-à-dire, Père ; c'est ce même Esprit qui rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu ». Ils sont aussi délivrés de la crainte, mais non de la possibilité de perdre la grâce, et d'être privés des grandes et précieuses promesses de Dieu. Ainsi ils ont « la paix avec Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Ils se réjouissent « dans l'espérance de la gloire de Dieu. L'amour de Dieu est répandu dans leurs cœurs par le Saint-Esprit qui leur a été donné » ; et par là ils sont persuadés (persuasion qui n'a pas en tous temps une égale force, et qui peut-être même n'existe pas toujours), ils sont persuadés, dis-je, que « ni la mort ni la vie, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni les choses élevées, ni les choses basses, ni aucune autre créature, ne les pourra séparer de l'amour que Dieu leur a montré en Jésus-Christ Notre-Seigneur ».
               De plus, par cette foi ils sont délivrés de la puissance du péché, aussi bien que de sa culpabilité. C'est ce que déclare l'apôtre : « Vous savez que Jésus-Christ a paru pour ôter nos péchés, et qu'il n'y a point de péché en lui. Quiconque demeure en lui ne pèche point. Mes petits enfants, que personne ne vous séduise, celui qui fait le péché est du diable. Quiconque croit est né de Dieu ; et celui qui est né de Dieu ne fait point le parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu (1Jean 3 : 5-9) ». Et encore : « Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche point ; mais celui qui est né de Dieu se conserve soi-même, et le malin ne le touche point (1Jean 5 :18)».

              Celui qui, par la foi, est né de Dieu, ne pèche point.

1° Il ne commet pas de péché habituel ; car tout péché d'habitude est un péché dominant ; mais le péché ne peut régner chez un homme qui croit.
2° Il ne commet point de péché volontaire ; car sa volonté, aussi longtemps qu'il demeure dans la foi, est entièrement opposée à tout péché et l'abhorre comme un poison mortel.
3° Il ne pèche par aucun désir coupable ; car il désire sans cesse de faire la volonté sainte et parfaite de Dieu, et par sa grâce il étouffe, dès son apparition, toute tendance à des désirs mauvais.
4° Il ne pèche point par infirmité, soit en parole, soit en acte, soit en pensée, car ses infirmités n'ont pas le consentement de sa volonté, condition sans laquelle elles ne sont pas à proprement parler des péchés.
             Ainsi, « celui qui est né de Dieu ne commet point le péché » ; et quoiqu'il ne puisse point dire qu'il n'a pas péché, néanmoins « il ne pèche point » actuellement. C'est là le salut reçu par la foi même dans ce monde ; c'est, ce qui est souvent exprimé par le mot de justification, la délivrance du péché et de ses conséquences. La justification prise dans le sens le plus large comprend la délivrance de la culpabilité et de la peine du péché, par le sacrifice de Christ actuellement appliqué à l'âme du pécheur qui croit maintenant en Lui, et la délivrance de l'empire du péché par Christ qui est formé dans son coeur, de telle manière que celui qui est ainsi justifié, ou sauvé par la foi, est vraiment né de nouveau. Il est né de nouveau de l'Esprit, né à une vie nouvelle « cachée avec Christ en Dieu ». Et comme un enfant nouveau-né, il reçoit avec joie « le lait pur de la parole » et il « croît par son moyen », dans la force de l’Éternel son Dieu ; il va de foi en foi, de grâce en grâce, jusqu'à ce qu'enfin il atteigne « à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ ».

III

           La première objection que l'on fait ordinairement à cette doctrine, c'est que prêcher le salut, ou la justification par la foi seule, c'est prêcher contre la sainteté et les bonnes oeuvres. On pourrait se borner à y faire cette courte réponse : Il en serait ainsi si nous parlions, comme le font quelques-uns, d'une foi séparée de ces choses ; mais nous parlons, au contraire, d'une foi fertile en toutes sortes de bonnes oeuvres et en toute sainteté.
           Mais il peut être utile d'examiner plus au long cette objection, surtout puisqu'elle n'est pas nouvelle, car elle est aussi vieille que les temps de saint de saint Paul, où l'on demandait déjà : «N'anéantissons-nous pas la loi par la foi?» Nous répondons, premièrement, que tous ceux qui ne prêchent pas la foi, anéantissent évidemment la loi, soit d'une manière directe et grossière, par des limites et des commentaires qui en rongent tout l'esprit, soit indirectement en n'indiquant pas les seuls moyens qui nous rendent capables de l'accomplir ; tandis que, en second lieu, « nous établissons la loi », à la fois, en montrant toute son étendue et son sens spirituel, et en appelant tous les hommes à venir au Père par le chemin vivant, savoir par Christ, par lequel « la justice de la loi » peut être «accomplie en eux ». Ajoutons que tout en ne se confiant qu'au sang de Christ, les croyants pratiquent sans exception les ordonnances qu'il a instituées et font toutes « les bonnes oeuvres que Dieu a préparées pour qu'ils y marchent » ; enfin ils possèdent et manifestent toutes les dispositions saintes et célestes, ils ont les mêmes sentiments qui étaient en Jésus-Christ.
         Mais la prédication de cette foi ne pousse-t-elle pas les hommes à l'orgueil ? Nous répondons : accidentellement cela est possible. C'est pourquoi il faut instamment avertir tout croyant par ces paroles du grand Apôtre : Les premières « branches ont été retranchées à cause de leur incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi : ne t'élève point par orgueil, mais crains. Si Dieu n'a point épargné les branches naturelles, prends garde qu'il ne t'épargne pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu ; sa sévérité à l'égard de ceux qui sont tombés, et sa bonté envers toi, pourvu que tu persévères dans cette bonté, autrement tu seras aussi retranché ». Et, en persévérant dans la bonté de Dieu, le chrétien se rappellera ces mots de saint Paul, qui prévoyait cette même objection et y répondait : « Où est donc le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des oeuvres. Non, mais par la loi de la foi (Romains 3 : 27) ». Si l'homme était justifié par ses oeuvres, il aurait de quoi se glorifier ; mais il n'y a aucun sujet de gloire pour « celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en celui qui justifie le pécheur (Romains 4 : 5) ».
          Tel est encore le but des paroles qui précèdent et suivent le texte : « Dieu, qui est riche en miséricorde..., lorsque nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés ;... afin qu'il fit connaître, dans les siècles à venir, les immenses richesses de sa grâce, par la bonté dont il a usé envers nous en Jésus-Christ. Car vous êtes sauvés par grâce, par la foi, et cela ne vient point de vous (Ephésiens 2 : 4-8) ». Ni votre foi, ni votre salut ne vient de vous : « C'est un don de Dieu »; un don libre, non mérité ; tant la foi par laquelle vous êtes sauvés, que le salut qu'il y attache selon son bon plaisir et par pure miséricorde. Votre foi est un premier bienfait de sa grâce, le salut que vous obtenez par la foi en est un autre. « Ce n'est point par les oeuvres afin que personne ne se glorifie », car toutes nos oeuvres, toute notre justice, avant de croire, loin de mériter la foi, n'étaient dignes que de la condamnation ; par conséquent lorsque la foi nous est donnée, ce n'est point à cause de nos oeuvres. Et le salut aussi n'est point par les oeuvres accomplies quand nous croyons ; car alors c'est Dieu qui opère en nous ; et partant la rémunération qu'il nous accorde pour ce qu'il opère lui-même, ne fait que relever les richesses de sa miséricorde et nous ôte tout sujet de nous glorifier.
              Dire ainsi que la miséricorde de Dieu justifie ou sauve gratuitement par la foi seule, n'est-ce pas, cependant, encourager les hommes à vivre dans le péché ? Oui, il se peut que cette doctrine ait cet effet ; il est même certain qu'elle l'aura. Plusieurs « demeureront dans le péché afin que la grâce abonde », mais leur sang sera sur leur tête. La bonté de Dieu aurait dû les porter à la repentance, et c'est ce qu'elle fera pour ceux qui ont le coeur sincère. Quand ceux-ci savent qu'il « y a pardon par devers Dieu », ils crient à. lui avec force, ils lui demandent qu'il veuille aussi effacer leurs péchés, par la foi en Jésus ; et s'ils l'implorent instamment, sans se lasser, s'ils le cherchent par tous les moyens qu'il a établis ; s'ils refusent toute consolation jusqu'à ce qu'il vienne ; « il viendra et ne tardera point ». Et il peut faire une grande ouvre en peu de temps. De nombreux exemples rapportés dans les Actes des Apôtres, attestent que Dieu a opéré cette foi dans le coeur des hommes avec la rapidité de l'éclair qui tombe du ciel. Ainsi à la même heure où Paul et Silas commencèrent « à annoncer la parole du Seigneur » au geôlier, il se repentit, crut et fut baptisé ; ainsi trois mille  personnes qui se repentirent et crurent le jour de la Pentecôte, à la première prédication de saint Pierre, furent baptisées par lui le même jour ; et, Dieu en soit béni, il y a maintenant bien des preuves vivantes qu'il est encore « puissant pour sauver ».
           Cependant, contre la même vérité, envisagée à un autre point de vue, on présente une objection tout-à-fait opposée ; on dit que c'est pousser les hommes au désespoir que de soutenir qu'ils ne peuvent être sauvés par tout ce qu'il leur est possible de faire. Oui, au désespoir de gagner le salut par leurs propres oeuvres, par leurs mérites ou leur justice propre ; et il est nécessaire que cela arrive, car nul ne peut se confier aux mérites de Christ avant d'avoir complètement renoncé aux siens. Celui qui « cherche à établir sa propre justice », ne peut recevoir la justice de Dieu. La justice de la foi ne peut lui être donnée aussi longtemps qu'il se confie en celle qui vient de la loi.
          Mais, dit-on, cette doctrine est peu consolante. Ah ! le diable a parlé, comme sa nature le veut, c'est-à-dire sans vérité et sans honte, quand il a osé suggérer aux hommes cette pensée.
C'est la seule doctrine consolante ; oui, elle est toute pleine de consolation pour tout pécheur qui s'est perdu et qui se condamne lui-même. « Quiconque croit en lui ne sera point confus ». Celui qui est le Seigneur de tous est riche en miséricorde « pour tous ceux qui l'invoquent » ; 
voilà une consolation aussi élevée que le ciel, et plus forte que la mort ! Quoi ! miséricorde pour tous ! Pour Zachée l'exacteur public ? pour Marie-Madeleine, la prostituée ? Il me semble entendre dire à quelqu'un : Alors moi, moi aussi, je puis espérer de trouver grâce ! 
Oui, tu le peux, ô affligé que personne n'a consolé ! Dieu ne repoussera point ta prière.

          Que sais-tu ? peut-être à l'heure qui va sonner te dira-t-il : « Prends courage, tes péchés te sont pardonnés », — tellement pardonnés qu'ils ne régneront plus sur toi ; et que le Saint-Esprit rendra témoignage à ton esprit que tu es enfant de Dieu. Ô bonnes nouvelles, nouvelles de grande joie, envoyées à tous les peuples ! « ô vous tous qui êtes altérés, venez aux eaux ; venez, achetez sans argent et sans aucun prix ». Quels que soient vos péchés, fussent-ils rouges « comme le cramoisi », fussent-ils plus nombreux que les cheveux de votre tête, — retournez à l’Éternel et il aura pitié de vous, et à notre Dieu, car il pardonne abondamment.
           Quand on ne peut plus rien objecter, on nous dit simplement, que le salut par la foi ne devrait pas être prêché, comme doctrine première, ou du moins ne devrait pas être prêché à tous. Mais que dit le Saint-Esprit ? « Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ ». Ainsi donc, le fondement de toute notre prédication est et doit être : « Quiconque croit en lui sera sauvé » ; c'est là ce qui en doit, faire le premier sujet.
Bien, mais il ne faut pas prêcher cette doctrine à tous tes hommes. 
-– A qui donc ne devons-nous point la prêcher ? qui devons-nous excepter ? Les pauvres ? — Mais ils ont un droit tout particulier à ce qu'on leur prêche l’Évangile
— Les ignorants ? 
Dès le commencement, Dieu a révélé ces choses aux hommes illettrés et ignorants. 
Les jeunes gens ? 
Nullement. Sur toutes choses, « laissez-les venir et Christ, et ne les en empêchez point» 
Les pécheurs ? 
Moins que personne. Il est « venu appeler à la repentance, non les justes, mais les pécheurs ». Eh bien ! s'il nous faut excepter quelqu'un, ce doivent être les riches, les savants, les hommes estimés et moraux ; et il est vrai qu'ils ne se dispensent que trop souvent d'écouter cette doctrine. Mais, quoi qu'il en soit, nous devons annoncer la parole de Notre Seigneur. Car voici la, teneur de notre commission. « Allez, prêchez l’Évangile à toute créature ». S'il est des hommes qui, à leur perdition, tordent cet Évangile, dans son entier ou dans quelqu'une de ses parties, il faudra qu'ils portent leur propre fardeau. Mais quant à, nous, comme l’Éternel est vivant, nous dirons ce que notre Dieu nous dira.
           Dans ces temps surtout, nous répéterons : Vous êtes sauvés, par grâce, par la foi. Jamais il ne fut plus nécessaire qu'aujourd'hui de maintenir cette doctrine, seule elle peut efficacement empêcher les erreurs de Rome de se propager parmi nous. Attaquer une à une toutes ces erreurs, c'est à n'en pas finir ; mais le salut par la foi les frappe à la racine ; elles tombent toutes à la fois, dès que cette, doctrine est établie. Ce fut cette doctrine que l'Église anglicane appelle avec tant de raison, le rocher et le fondement de la religion chrétienne, qui chassa le papisme de l'Angleterre et seule elle l'en tiendra éloigné. Nulle autre chose ne réprimera cette immoralité qui a envahi notre pays comme un fleuve. Pouvez-vous mettre à sec l'océan goutte à goutte ? Alors vous pourrez nous réformer de nos vices particuliers par des raisonnements propres à nous en détourner. Mais que «la justice qui vient de Dieu par la foi » soit proclamée, et comme par une digue puissante, les vagues orgueilleuses de la dépravation seront refoulées. C'est le seul moyen de fermer la bouche à ceux « qui mettent leur gloire dans ce qui est leur confusion », et qui ouvertement « renient le Seigneur qui les a rachetés ». Ils peuvent parler de la loi en termes aussi sublimes que l'homme dans le coeur duquel Dieu l'a écrite. A les entendre discourir sur ce sujet, ou serait disposé à penser qu'il ne sont pas loin du royaume de Dieu ; mais conduisez-les de la loi à l'Evangile; commencez par la justice de la foi, par « Christ, qui est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient », et ceux qui tout à l'heure paraissaient presque, sinon tout-à-fait chrétiens, restent convaincus de n'être que des fils de perdition, — d'être aussi éloignés de la vie et du salut (Dieu veuille leur être miséricordieux !) que les profondeurs de l'enfer des hauteurs du ciel.
             C'est là ce qui fait rugir l'adversaire toutes les fois que le salut par la foi est publié au monde ; c'est ce qui le poussa à remuer la terre et l'enfer, pour faire mettre à mort ceux qui le prêchèrent les premiers ; — et sachant que la foi seule peut renverser les bases de son royaume, c'est pour cela qu'il réunit toutes ses forces et mit en jeu tous ses artifices de mensonge et de calomnie, afin d'effrayer Luther et de l'empêcher de remettre au jour cette doctrine. Et il n'y a là rien d'étonnant, car, ainsi que le remarque ce serviteur de Dieu : « Un homme orgueilleux, fort et tout armé, ne serait-il pas transporté de rage, si un petit enfant venait, un roseau à la main, le défier et l'arrêter » ; surtout s'il était certain que, ce petit enfant dût le renverser et le fouler aux pieds ? — Oui, Seigneur Jésus, c'est ainsi que ta force s'est toujours « accomplie dans la faiblesse ». Va donc, petit enfant qui crois en Lui, et sa « droite t'apprendra des choses merveilleuses ! » Quoique tu sois sans force et faible comme un nouveau-né, l'homme fort ne pourra tenir devant toi. Tu auras le dessus sur lui ; tu pourras le dompter, le renverser et le fouler à tes pieds. Tu iras de conquête en conquête, sous la direction du grand Capitaine de ton salut, jusqu'à ce que tous tes ennemis soient détruits, et que « la mort soit engloutie dans la victoire ».
          Or, grâces à Dieu, qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ », à qui comme au Père et au Saint-Esprit, soient « louange, gloire, sagesse, actions de grâce, honneur, puissance, et force, aux siècles des siècles ». 

AMEN.